Monika Griefahn, Mitglied des Deutschen Bundestages a. D.

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    26.07.2005

    Politique culturelle pour la France et l'Allemagne à l'ère de la mondialisation


    ++ seul le texte prononcé fait foi ++

    Cher Marc Chateigner, chère Isabelle Beckmann, chers participants et amis de cette Université d'été franco-allemande,

    je voudrais tout d'abord vous saluer tous très cordialement.

    J'ai accepté avec grand plaisir l'invitation à cette table ronde car le thème du programme de cette année, «Stadtkultur - Ville et Culture» doit trouver son complément dans le cadre thématique des «concepts et décisions de politique culturelle» ; c'est aussi la raison pour laquelle nous sommes réunis ici aujourd'hui.

    Vous avez tous suivi l'actualité dans les médias et vu comment la France et les Pays-Bas se sont récemment exprimés clairement contre le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il n'est pas encore possible jusqu'à présent de délimiter les conséquences des ces référendums pour l'Europe. Il apparaît toutefois clairement que ce n'est pas contre l'idée européenne que l'on a voté. Le «non» était bien davantage marqué par la peur du futur et par un mécontentement relevant de la politique intérieure et dirigé contre le gouvernement du pays.

    Mais la manière dont on a communiqué sur l'Europe avec les citoyens ces dernières années a aussi joué un rôle particulier dans les référendums. Nous avons donc besoin, beaucoup plus encore que par le passé, du dialogue européen, du dialogue entre les sociétés civiles, et celui-ci est avant tout c'est ainsi que j'en arrive à notre thème d'aujourd'hui un dialogue des cultures ; oui, nous avons un besoin plus fort du dialogue culturel en Europe.

    Je voudrais tout d'abord vous donner un exemple du «quotidien culturel» en Allemagne.

    En Allemagne, lorsque vous allumez la radio, quelle est à votre avis la probabilité d'entendre une chanson rock ou pop chantée en allemand ou, du moins, produite en Allemagne ? Dans le meilleur des cas, cette probabilité s'élève à 15%, mais souvent, elle n'atteint même pas les 10%. Au lieu de quoi, les Britney Spears, Coldplay et autres Eminem règnent en maîtres sur les ondes. Le cas serait justifié si notre musique était vraiment à une aussi mauvaise place que la radio nous le suggère. Mais la musique de nombreux artistes en Allemagne est d'un niveau élevé de qualité, comme en témoignent les nombreux passionnés, les ventes de CD ou les récompenses reçues.

    L'année dernière, avec le partenaire de notre coalition, nous avons présenté et adopté au Bundestag allemand une motion qui prévoit une «autoresponsabilisation» volontaire des radiodiffuseurs. L'objectif de cette initiative est de promouvoir la diversité musicale en Allemagne et d'élargir la plate-forme publique pour les jeunes talents musicaux.

    Parmi les points essentiels de cette autoresponsabilisation volontaire des radiodiffuseurs, il est prévu

    - que les programmes musicaux comprennent la diffusion d'environ 35% de musique pop et rock chantée en allemand ou produite en Allemagne, dont la moitié doit prendre en considération les nouvelles sorties de nouveaux talents de langue allemande ou produits en Allemagne ; et

    - qu'une sélection pointue plus large de titres soit diffusée, en tenant compte de l'orientation musicale de l'émetteur.

    L'expérience faite en France, où un quota de titres français a été introduit en 1994, montre ce que le système de quotas peut amener pour les stations de radio, publiques ou privées : un programme radiophonique varié, une diffusion en croissance rapide de jeunes nouveaux talents artistiques et une stimulation du marché de la musique, comme de la scène musicale dans son ensemble.

    Cet exemple montre aussi combien les effets et les conséquences de la mondialisation ne jouent pas seulement un rôle dans les processus économiques mais acquièrent une importance de plus en plus grande dans la politique culturelle aussi. La culture ne peut être forte que si elle est vécue et pratiquée. Mais elle ne devient forte et efficace que lorsque l'échange culturel est perçu comme un enrichissement. À l'ère de la mondialisation, les identités deviennent de plus en plus importantes : on assiste à des retours sur ce qui a été, sur la tradition, la langue, la religion, c'est-à-dire ce qui a à voir avec la culture, au sens large du terme. Il n'est pas souhaitable de vouloir lever des limites comme celles-là, car seules ces limites peuvent préserver la pluralité et la diversité culturelles.

    Quelle place a la politique culturelle dans un art et une culture mondialisés ? Quelles possibilités a-t-elle de maintenir l'équilibre nécessaire entre la conservation d'une identité propre et l'ouverture à d'autres cultures ?

    Pour nous, en Allemagne, cette question relève, d'une part, du champ d'action de la politique culturelle fédérale et, d'autre part, de celui de la politique culture extérieure.

    Au niveau de la promotion culturelle à l'intérieur du pays, nos amis français nous montrent une voie où il apparaît que la mondialisation est vue avant tout comme un danger. Les discussions enflammées autour du référendum constitutionnel en ont été elles aussi une illustration.

    La manière des Français de réagir aux influences culturelles venues de l'extérieur est connue sous le concept de l'«exception culturelle». Le président Chirac et beaucoup d'autres ont déclaré que ce modèle constitue la base d'un échange culturel vivant et qu'il était le bon moyen de préserver la diversité des langues et les cultures dans le monde qui se globalise.

    Je crois aussi que l'exception et la diversité ne sont pas antagonistes ; cela dit, en Allemagne, en raison de notre constitution fédérale, nous ne voulons d'une influence trop intensive de l'État sur la culture pour préserver notre propre diversité. Je dois admettre que j'étais davantage convaincue par ce principe il y a quelques années, mais certains événements des derniers temps ont à nouveau montré que la politique doit continuer de s'investir fortement et, dans certains domaines, s'investir plus fortement encore pour la préservation de la diversité culturelle.

    Mais contrairement à la France, l'État fédéral n'a pas la possibilité de légiférer de manière centralisée sur la manière dont doivent être conclus les contrats publics de radiodiffusion dans les différents Länder, par exemple en matière de quotas musicaux.

    Suivant le principe «aussi peu d'État que possible, autant d'État que nécessaire», nous nous efforçons en Allemagne de protéger la culture nationale sans entraver son développement et son échange avec d'autres cultures.

    Le second domaine tout à fait central de notre politique culturelle fédérale est la politique extérieure de la culture et de l'éducation. Certes, la plupart n'en perçoivent pas directement l'importance, mais elle est un important facteur de diffusion : elle promeut la langue allemande, transmet une image de l'Allemagne en tant que nation de culture européenne et favorise la prévention des crises par un dialogue des cultures, comme par exemple dans le cas du Goethe Institut de Kaboul.

    La rencontre des cultures est la chance de ce XXIe siècle. Dans la perspective de la mondialisation, la communication entre les cultures offre la chance d'une coopération pacifique, d'une prévention des conflits et d'un dialogue orienté vers l'entente. C'est aussi l'une des obligations particulières de la politique. L'échange réciproque, la compréhension de l'autre, le respect des autres cultures, us et coutumes, le don et l'emprunt réciproques sont un pilier important de la coopération internationale.

    Un autre pilier important de la politique culturelle extérieure de l'Allemagne est la société civile, ses institutions et les liens et réseaux nombreux et variés qui constituent la base des relations culturelles internationales. En dessous des niveaux politiques et diplomatiques, les relations entre les différents niveaux de la société civile peuvent ouvrir des portes pour une compréhension réciproque et une meilleure communication et œuvrer, déjà à cet échelon, en faveur de la prévention des conflits. Les écoles allemandes à l'étranger jouent également un rôle important dans ce domaine. Des jeunes gens y entrent en contact souvent pour la première fois avec l'Allemagne et sa culture. Les écoles sont en quelque sorte le bouton d'ouverture pour la rencontre avec l'Allemagne, son histoire, sa culture et ses modes de vie.

    Pour autant que je voie les choses, la politique culturelle extérieure doit être plus que le célèbre troisième pilier de la politique étrangère. Naturellement, elle est et elle reste un élément faisant partie intégrante de la politique étrangère. Mais en ces temps de mondialisation économique et aussi culturelle, elle a de tout autres missions que celles auxquelles l'on avait pensé au départ. Elle est en tous les cas plus qu'un simple éclaireur pour l'économie allemande à l'étranger.

    Les discussions actuelles sur l'AGCS (Accord général sur le commerce des services) de l'OMC et sur la directive européenne «Services» concernent des thèmes centraux de la politique culturelle. Il est clair que la libéralisation économique est au premier plan de ces deux textes. C'est pour cela que nous, responsables de la politique culturelle, nous luttons pour la préservation de la diversité culturelle, qui peut être rapidement menacée si des services culturels comme la radiodiffusion ou l'éducation sont catalogués comme biens économiques.

    Pour que les intérêts de la culture soient aussi pris en considération et respectés par les experts économiques et financiers, elle a besoin de se situer au plus haut rang possible dans la liste des différents domaines de la politique. La culture est un bien vital, et non un luxe dont on peut se passer. La politique culturelle extérieure permet un travail de lobbying pour la culture à l'étranger et peut aider à lui donner une position forte dans la politique. Dans le même temps, cet engagement à l'étranger permet à l'Allemagne de nouer des alliances communes, comme le groupe de travail bilatéral franco-allemand sur la diversité culturelle actuellement institué au Bundestag. Un instrument important est la convention de l'UNESCO sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques, dont le projet a été adopté le 3 juin de cette année lors du troisième cycle de négociations entre les experts des gouvernements de 130 pays membres. Ce projet sera proposé pour approbation à la 33e conférence générale de l'UNESCO, en octobre de cette année.

    Parmi les résultats essentiels qui ont été atteints,

    - la particularité des biens et services culturels est reconnue et les décisions importantes de politique culturelle ne sont pas abandonnées à des organes compétents pour les questions commerciales,

    - la marge de manœuvre et d'agencement de la politique culturelle des États membres est maintenue et expressément légitimée vis-à-vis de la progression et de la pression de la libéralisation et des exigences croissantes de dérégulation liées à la mondialisation ; cet espace de manœuvre est considéré comme un «pilier culturel» essentiel pour le système international de réglementation,

    - le préambule de la convention réitère le principe du pluralisme des médias,

    - les bases d'un concept global de la politique culturelle sont jetées,

    - il est fait mention expresse des thèmes de la radio de service public, du rôle de la société civile et de l'importance de la diversité culturelle.

    La diversité culturelle en Europe et dans le monde est une grande chance. Je suis d'avis qu'il n'y aura pas, et qu'il ne doit pas y avoir une culture européenne commune au sens d'une culture uniforme. Cela étant, nous avons bel et bien un héritage européen commun que nous devons entretenir et qui est, je crois, le fondement d'un concept européen de la culture. Dans un monde globalisé, nous sommes tous soumis à des influences ; je m'emploie à ce que ces influences ne débouchent pas sur une homogénéisation des cultures européennes.

    La mondialisation réserve des chances, mais aussi quelques dangers. On voit sans cesse combien l'économie et la politique, mais aussi la culture produit des effets négatifs qui rendent incertain le cadre de vie des gens, qui les menacent d'une perte de leurs racines.

    Je suis convaincu que, dans sa dimension diversifiée, la culture peut précisément apporter une bonne aide devant ce problème. Par un effet d'identification individuelle et communautaire, le théâtre, la littérature, la musique constituent des racines et il faut soutenir de toutes nos forces les personnes créatives qui contribuent à nous donner encore de telles possibilités d'identification.

    Jean Monnet a dit que, s'il devait recommencer le projet de l'unification européenne, il commencerait par la culture. Je pense en effet que c'est là que réside le plus grand potentiel pour faire avancer l'unification européenne et pour donner un futur au traité constitutionnel, quelle qu'en soit la forme.

    Les relations culturelles franco-allemandes constituent sans aucun doute l'une des pièces maîtresses de cette évolution et je voudrais citer ici encore quelques points forts, qui reviendront certainement dans notre discussion :

    De façon générale, nous pouvons dire aujourd'hui que la collaboration avec la France dans le domaine de la culture et de l'éducation est plus étroite et intense qu'avec aucun autre partenaire. L'échange entre jeunes a dans ce domaine une importance capitale, avec environ 150 000 participants par an, de même que les jumelages entre villes et entre régions et, non moins importants, les jumelages d'écoles.

    Lors des célébrations du 40e anniversaire du traité de l'Élysée, en 2003, les relations dans le domaine de la culture et de l'éducation ont reçu une série d'impulsions nouvelles, notamment dans la promotion de l'allemand et du français comme langues partenaires, qui est devenue un thème centrale de notre coopération.

    Ainsi êtes-vous, chers participants à cette Université d'été, un exemple vivant de cet échange culturel vivant et orienté vers le futur dans le cadre de la promotion des langues partenaires. Je voudrais saisir ici l'occasion pour exprimer tous mes remerciements et toute ma reconnaissance au Centre culturel franco-allemand de Nantes et au Pôle France (Frankreichzentrum) de l'Université de la Sarre pour le travail très fructueux qu'ils ont produit ensemble jusqu'à présent.

    Il y a un projet qui me tient particulièrement à cœur et que je voudrais citer ici, c'est le projet franco-allemand d'un manuel d'histoire commun, qui est en bonne voie d'aboutir. Le premier volume, qui est consacré à l'histoire contemporaine depuis 1945, sera présenté au conseil des ministres franco-allemand début 2006.

    À partir de la rentrée de 2007, les élèves français et allemands des trois dernières années avant le bac apprendront l'histoire dans un manuel à l'apparence extérieure et au contenu identiques. Ils découvriront alors, dans un même livre, l'histoire de leur propre pays et l'histoire commune européenne. Dans une Europe dont la cohésion se renforce, en rapprochant enfin véritablement la transmission et la perception du passé du point de vue des jeunes Français et des jeunes Allemands, ce projet apportera une contribution qu'il n'est pas aisé d'apprécier à sa juste valeur.

    Il y aurait encore beaucoup d'autres projets à citer ici, mais cela nous amènerait trop loin.

    Peut-être pourrais-je encore citer deux exemples intéressants de mesures structurelles prises en Allemagne pour soutenir le français comme langue partenaire.

    Le profil linguistique des élèves doit être élargi de manière à ce que, à l'école maternelle et à l'école primaire, ils n'entrent pas en contact d'abord avec l'anglais, mais avec la langue du pays voisin ou une autre langue européenne, et si possible le français.

    Des institutions pour l'apprentissage dans la petite enfance doivent être mises en place, qui s'orientent vers le modèle français des écoles maternelles et écoles primaires et qui, de cette manière, transmettent déjà la connaissance du français dès ce niveau.

    Je m'arrêterai là, avec ce regard porté vers les plus jeunes.

    Je crois en tout cas que, en préservant la diversité et en reconnaissant les différences, la politique culturelle en France et en Allemagne à l'ère de la mondialisation est un projet européen commun.

    Je vois dans la mondialisation une véritable chance pour parvenir à cette conscience européenne sans cesse revendiquée, une conscience qui perçoit la diversité culturelle comme une richesse à partager, mais qui ne sert pas de motif pour élever des barrières ou ouvrir des conflits.

    La base de la poursuite du processus d'unification européenne à l'ère de la mondialisation est le développement d'une identité européenne, c'est-à-dire de la conviction que nous avons une origine et un destin communs. Ce sentiment d'identité repose en fin de compte sur la vision de la culture européenne, qu'il faut comprendre comme l'unité dans la diversité.